La Solitaire du Figaro 2021

La Solitaire du Figaro 2021

  • La course en Virtuel de Jean Luc sur Virtual Regatta (JLR44-Poullig-Gwenn)
  • Les chroniques de FJ : François Joffrino notre skipper apporte son éclairage et ses commentaires sur cette course.

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La 52éme édition de la Solitaire du Figaro prendra le départ à Saint Nazaire pour un périple en 4 étapes de 2 500 milles.
  • Saint Nazaire - Lorient : 627 milles. Départ dimanche 22 août à 17h57
            Vainqueur : Xavier Macaire en 3 jours 14 heures 30 minutes 14 secondes
  • Lorient-Fécamp : 490 milles. Départ dimanche 29 août à 14 h 00
            Vainqueur : Pierre Quiroga en 2  jours 18 heures 43 minutes 45 secondes

  • Fécamp-Baie de Morlaix : 624 milles. Départ dimanche 5 septembre à 12h00
            Vainqueur Pierre Quiroga en 3 jours 23 heures 59 minutes 54 secondes
            Distance parcourue : 680,67 milles
  • Baie de Morlaix-Nazaire : 685 milles.Départ dimanche 12 septembre à 16h00
            Vainqueur Pierre Leboucher en 4 jours 5 heures 13 minutes et 22 secondes
               Distance parcourue 676 milles


Le vainqueur  de la 52éme édition est Pierre Quiroga 
   en 14 jours 16 heures et 24 minutes

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St Nazaire vu du ciel. Photo Christophe Breschi


1 - Ageas Team - Baie de Saint Brieuc : Mael Garnier
2 - Breizh Cola : Gildas Mahé
3 - Bretagne CMB Espoir : Gaston Morvan
4 - Bretagne CMB Océane : Elodie Bonafou
5 - Bretagne CMB Performance : Tom Laperche
6 - CTB Contrôles Techniques Bateaux : Marc Mallaret
7 - Cybele Vacances - Team Play to B : Pep Cost
8 - Devenir : Violette Dorange
9 - Fearless - State Street Marathon Sailing : Francesca Clapcich
10 - French Touch - Eric Péron
11 - Gardon la vue : Martin Le Pape
12 - Génération Sénioriales : Benoit Mariette
13 - Groupe Gilbert : Fabien Delahaye
14 - Guyot Environnement - Ruban Rose : Pierre Leboucher
15 - Just A Drop : David Paul
16 - La Charente Maritime : Alexis Thomas
17 - Ma Chance Moi Aussi : Robin Marais
18 - Marine Nationale - Fondation de la Mer : Philippe Hartz
19 - Monatoutenergie.fr : Arthur Hubert
20 - Mutuelle Bleue pour l'Institut Curie : Corentin Horeau
21 - Opportunity - State Street Marathon Sailing : Jesse Fielding
22 - Orcom : Jules Delpech
23 - Primeo Energie Amarris : Achille Nebout
24 - Queguiner Innoveo : Tanguy Le Turqais
25 - Région Normandie : Alexis Loison
26 - Respimer : Estelle Greck
27 - Saferail : Damien Cloarec
28 - Seacat Services : Alan Roberts
29 - Skipper Macif 2019 : Pierre Quiroga
30 - Skipper Macif 2020 : Erwan Le Draoulec
31 - Smurfit Kapa - Kingspan : Tom Dolan
32 - Groupe SNEF : Xavier Macaire
33 - Team Vendée Formation : Charlotte Yven
34 - Team Work : Nils Palmieri

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La course en virtuelle sur "Virtual Regatta" de JLR44-Poullig-Gwenn

Jeudi 16 et vendredi 17 septembre

Jeudi, dans le monde réel, arrivée à Saint Nazaire de la 4ème et dernière étape de cette édition 2021 de la Solitaire du Figaro.

Vendredi, arrivée dans le monde virtuel, de cette même course dans Virtual Regatta.

Comment parler de cette "Solitaire" sans accumuler tellement de superlatifs qu'ils en deviendraient fades et sans saveur. Restons sobre donc, et surtout, allez sur le site officiel de la course où les propos des coureurs valent mille fois mieux que toutes les paraphrases que je pourrais en tirer.

Au classement de cette 4ème étape, Pierre Leboucher arrive 1er devant Xavier Macaire et Tom Dolan. Final à suspens, car ces 3 là avaient choisi une route plus à l'est, près des côtes bretonnes. Pierre Quiroga, lui avait préféré rester plus au large, ne croyant pas à une option près des terres permettant de jouer avec les vents thermiques. Il n'a pas non plus voulu chercher à contrôler ses adversaires et a préféré naviguer avec ses propres choix, quitte à le payer cher. Malgré son avance significative au classement général, l'écart entre Quiroga et la tête de la course s'est accru jusqu'à une dizaine de milles à 17h00 alors qu'il restait moins de 50 milles à parcourir. Finalement Pierre Quiroga, termine à la 9ème place à moins d'une heure de Xavier Macaire et conserve sa première place au classement général. Magnifique vainqueur de cette grandiose édition 2021 de la Solitaire dont il a remporté 2 étapes. Très belle 2ème place également pour Xavier Macaire.

Merci à tous les coureurs pour toutes les émotions dont vous nous avez nourris pendant ce mois de septembre et que nous avons modestement partagées en vous accompagnant sur le même parcours, avec des conditions météo identiques sur des bateaux virtuels dont les polaires étaient proches des vôtres (quoi qu'inférieures).

Côté virtuel, donc... allez, ne jouons pas les modestes, je suis très content de ma 450ème place sur 33 565 participants sur cette 4 étape ; je finis à moins de 15 minutes du vainqueur et je suis premier pouliguennais. Là aussi suspens jusqu'au bout entre yanbap, Digadao et moi.

Pas très optimiste jeudi, ma route un peu plus au large (plus proche de celle de Quiroga que de Macaire) m'a relégué jusqu'aux alentours de la 1700ème places à quelques milles derrière mes compères du Pouliguen. Trop tard en tout cas pour changer d'option et se rapprocher de la côte, ce qui aurait aggravé la situation. Vendredi matin, l'écart s'était réduit et j'étais dans les 700ème (ah, le suspens le matin quand on découvre si les choix faits la veille ont été bons...). Nous nous sommes tenus toute la journée à moins de 2 milles d'écart... L'option que j'avais choisie 2 jours plus tôt, m'a permis de tirer droit, bateau réglé sur un cap et non sur l'angle par rapport au vent, toute la journée et jusqu'à l'arrivée. Pour une fois, la ligne droite, le chemin le plus court a aussi été le plus rapide, ce qui n'est pas si commun en voile virtuelle ou réelle. Je devance Yanbap de 11 minutes et Fatboy de 23 (qui a perdu du temps à l'arrivée en touchant les cailloux). J'attends le classement final au général qui sera publié dimanche seulement, le mode de calcul n'étant pas au temps cumulé comme pour la Solitaire réelle mais sur un système de points aux meilleures des 3 étapes... le suspens continue.

Mercredi 15 septembre

Comme on pouvait le deviner hier soir au vu des positions et vitesses des bateaux, Pierre Quiroga a repris la première place pendant la nuit ; Xavier Macaire a reculé progressivement au classement tout au long de la matinée, jusqu'à la 11ème place au pointage de 12h33... Les positions se sont à nouveau inversées dans l'après midi: à 21h33 Macaire, toujours décalé au nord-est devance Quiroga d'un peu plus de 4,5 milles. Pierre Leboucher, lui, s'est hissé à la première place.

Côté virtuel, même chassé-croisé entre les 3 premiers Pouliguennais selon que l'un ou l'autre est sur un bord rapprochant ou non. Nous tirons des bords au portant ; il faudrait un bel article de FJ pour expliquer aux terriens qu'on tire des bords aussi eu vent arrière : OK, s'il est facile d'intuiter qu'un bateau ne peut pas avancer face au vent et qu'il faut donc avancer en louvoyant ; le commun des mortels pourrait penser que le vent arrière est l'allure la plus rapide puisque que le vent pousse le bateau... que nenni, c'est sans compter le vent vitesse qui se soustrait à celle du vent réel. FJ, donc on compte sur toi pour nous expliquer tout cela et le concept de VMG en bonus.

En résumé pour ce soir, toujours la plus grande incertitude sur qui s'imposera à Saint Nazaire sur l'eau et dans le monde virtuel.

Mardi 14 septembre : dernière ligne droite... pas droite

02h40 L'irlandais Tom Dolan arrive en tête au Fastnet ; il devance Xavier Macaire de 4 minutes et Pierre Quiroga de 31. Nuit noire, pluie battante, mer formée... pas le temps de profiter du moment au passage du rocher mythique. Après, c'est tout droit jusqu'à Saint Nazaire... tout droit ? Pas vraiment !

Une houle formée (reste de l'ouragan qui a sévi de l'autre côté de l'Atlantique), un système météo compliqué, instable, plusieurs transitions à gérer. Il faudra aux 34 marins garder toute leur lucidité malgré la fatigue accumulée au cours des 3 étapes et demi pour anticiper, s'adapter, réagir, intuiter,... et bien sur tirer le meilleur de leur bateau en évitant les erreurs.

19h18 : Jules Delpech, un des bizuth est encore premier au classement ; il a tenté un coup en partant seul vers sud-est, se rapprochant ainsi davantage de l'objectif mais au risque de vents moins favorables dans les heures suivantes... 

20h18 : Xavier Macaire est repassé en tête ; il est suivi de près par Tom Dolan sur la même trajectoire et... en 3ème position Pierre Quiroga à 4,4 milles - Jules Delpech, lui, rétrograde en 4ème position. Le duel entre les 2 premiers du classement général tient ses promesses. Au delà de ces 4,4 milles d'écart sur la distance les séparant de l'arrivée, les 2 bateaux sont distants d'environ 18 milles, leurs conditions de vent ne sont donc pas tout à fait les mêmes.  Macaire au nord-est progresse moins vite. Les positions seront peut-être inversées demain matin ?

Petit jeu : où est Jules Delpech sur la carte ?


J'ai passé le Fastnet virtuel vers 14h00, en tête des Pouliguennais grâce à une trajectoire idéale calée tard hier soir. Yanbap et Digadao sont très proches. Les choix tactiques vont être déterminants dans les prochaines heures et surtout ne pas faire d'erreur grossière. J'avoue qu'à cette heure je n'ai aucune certitude sur la route à faire.

On verra demain matin qui aura fait les meilleurs choix,... dans la régate virtuelle comme en mer.

Lundi 13 septembre : à l'issue de la 1ère journée de la 2ème étape.

Cette ultime étape de cette Solitaire du Figaro 2021 tient ses promesses.

Une traversée de la manche sous spi jusqu'à la pointe est des Cornouailles où, encore une fois encore, Xavier Macaire arrive en tête devançant ses concurrents d'une vingtaine de minutes (oui, vous l'avez remarqué c'est mon chouchou ; depuis sa malheureuse 2ème étape où il a dû plonger en pleine nuit pour décrocher un casier pris dans sa quille et naviguer sans l'aide de son informatique en panne (ah ! l'informatique !!!), les écarts qu'il creuse souvent et perd ensuite, j'aime bien ce gars).



Mais, regardez bien la carte...

Alors que la majorité de la flotte oblique à l'est, entre la zone d'exclusion et la côte, 3 bateaux (en bas de la carte) tentent un coup et contournent cette zone par l'ouest. Parmi eux, l'Irlandais Tom Dolan, qui connait par cœur les parages.

Ensuite... 




Ce soir, regroupement de la flotte, Tom Dolan reste en tête suivi de Xavier Macaire ; Pierre Quiroga, 4ème reste au contact... Pour tous, l'objectif est d'arriver très vite au Fastnet, avant une bascule de vent. Ceux qui rateraient ce passage à niveau risquetaient d'être définitivement distancés 
 

Côté virtuel, début de course compliqué pour moi jusqu'à hier soir, où je me suis retrouvé dans les 17 000ème,... sans trop comprendre pourquoi, ce qui est le plus rageant. Bonne trajectoire choisie dans la nuit, j'ai pu recoller au peloton. Ce soir je suis dans les 2 000ème, Yanbap 1er Pouliguennais de la 3ème étape et 1er au classement cumulé des 3 étapes est un tout petit peu derrière, mais je sais son opiniâtreté ! Il va falloir que je fasse les bons choix, bien préparer la trajectoire pour la nuit.

Contrairement aux marins du monde réel, nous n'allons pas échapper à la bascule de vent, les dernières heures pour arriver au Fastet ne se feront plus au portant mais au près.



Du mardi 7 au jeudi 9 septembre : Fin de la 3ème étape

Une magnifique 3ème étape, éprouvante et exigeante pour les marins. Des vents faibles et variables, des prévisions météos pas toujours fiables qui ont mis les nerfs à rude épreuve. Magistrale victoire à l'arrivée dans la baie de Morlaix de Pierre Quiroga sur Macif 2019. Déjà vainqueur de la deuxième étape, il conforte sa 1ère place au classement général.

Plusieurs rebondissements durant l'étape. A plusieurs reprises, ceux qui avaient réussi à creuser un petit écart, se sont vus rattrapés, voire dépassés, par leurs poursuivants. Cela a été le cas pour Xavier Macaire, en tête à Carn Base au sud-ouest de l'Angleterre avec une avance significative de 3 milles, qui s'est trouvé dans une zone sans vent et contre le courant au passage de Land's End  (le Finistère des anglais) et à nouveau bord à bord avec une vingtaine de bateaux ; tous les compteurs remis à zéro donc, un nouveau départ.

Le film de la journée du 7 septembre :





Côté virtuels, les mêmes difficultés à exploiter des vents faibles et des prévisions météo instables. Cela m'a valu de perdre 300 places au passage des iles Scilly : derniers réglages faits vers minuit en fonction des prévisions météo sur des "way points" (points de passage) et non par rapport à l'angle par rapport au vent,... Le vent a évolué différemment de ce qui était prévu, les way points m'ont effectivement permis de ne pas m'échouer sur les iles mais je me suis retrouvé au matin quasiment arrêté avec un angle de 16° par rapport au vent (contre 50° escompté). D'autres ont fait des choix différents, adopté d'autres tactiques ou ont vérifié la situation plusieurs fois dans la nuit...

Victoire de Marius Jacob - EZ en 4j 06h 24 m - alors que Pierre Quiroga dans le monde réel a mis 3j 23h 59m. Cela confirme que les polaires des bateaux virtuels sont nettement inférieures à celles des vrais Figaros. Je finis l'étape 934ème, 2ème des 22 Pouliguennais, dernière yanbap, 378ème de l'étape, yanbap qui a fait une course remarquable, sans la moindre erreur (et qui n'a pas dormi d'une seule traite dans la nuit du 8 au 9,...).

La suite à partir de dimanche pour une 4ème et dernière étape, la plus longue (a priori 4 nuits en mer) qui permettra de revenir au point de départ de cette Solitaire du Figaro 2021, au port de Saint Nazaire... en faisant un petit détour par le mythique Fastnet... il va y avoir du sport sur mer comme dans Virtual Regatta.

Lundi 6 septembre : nordiste ou sudiste ?

Très peu de vent dans la nuit après le passage de la marque à l'est de l'ile de Wight. Deux grandes options pour les navigateurs de la vie réelle : nord, le long de la côte anglaise, sud vers le large (on voit clairement les 2 paquets orange sur la carte en milieu de journée) :


Si en début d'après midi, il encore difficile d'évaluer quelle allait être la meilleure option, ce soir, les nordistes (majoritaires) sont clairement les vainqueurs de cette bataille de la Manche :

Xavier Macaire sur Groupe SNEF, vainqueur de la 1ère étape et malheureux lors de la seconde, membre du clan des nordistes est en tête, mais les écarts restent faibles, les trois premiers se tiennent dans un mille, les 10 premiers dans 2. 

Côté virtuels, la flotte est restée plus groupée : pas de courants à gérer, pas de zone d'exclusion à éviter. Sans doute aussi le fait que les "pros", les premiers au classement général de Virtual Regatta disposent de logiciels de routage qui optimisent leur route de façon très similaire. Pour les amateurs, la course reste joyeuse, parfois, soyons honnêtes, on se met dans le sillage des pros, mais on essaie aussi de trouver des nuances pour affiner la route en fonction de sa position.

Vers 8h demain matin, les premiers virtuels passeront l'extrémité ouest de l'Angleterre. Pour le moment, la plus grande partie de la flotte tire un bord qui la rapproche des côtes britanniques,... reste à décider quand empanner dans la nuit pour repartir vers le large. Les premiers marins du réel devancent les virtuels d'une dizaine d'heures désormais.

Dimanche 5 septembre : Départ de Fécamp

14h00 : Top départ de la 3ème étape dans Virtual Regatta. Dans le monde réel, les bateaux sont partis il y a 2 heures déjà. Pour tous, peu de vent pour ce début de course pour aller virer une première marque de parcours à l'est de l'ile de Wight dans la nuit. Vent de est-nord-est modéré qui va permettre de tirer pratiquement tout droit au reaching pour cette 1ère traversée du Channel. Apres, direction la pointe est de l'Angleterre. A priori, en mer comme sur les écrans d'ordinateur, on ne longera pas la côte sud de l'Angleterre (pas de rase cailloux comme dans l'étape précédente) mais on ira plutôt chercher un vent plus soutenu, plus au sud, en direction de la France.

En mer, ces conditions de vents faibles dans le début de la course, la gestion des courants avec des coefficients de marrée beaucoup plus élevés que lors des étapes précédentes (coefficient 100 pour l'arrivée à Morlaix dans la nuit de mercredi à jeudi ou jeudi matin) devraient donner lieu à une étape très tactique et qui pourrait créer des écarts beaucoup plus importants à l'arrivée. A mi-course, le classement général est donc encore très ouvert.

Mercredi 1er septembre : Arrivée de la 2ème étape.

Dans le monde réel, arrivée de Pierre Quiroga premier à Fécamp à 8h43. Lire sur le site de la Solitaire son récit de cette étape extrêmement dure. Xavier Macaire, vainqueur de la 1ère étape a été pénalisé par une panne logicielle qui l'a privé d'informations pour affiner sa route (l'informatique, peut-être, un lien entre marins du réel et navigateurs virtuels ?) ; il a également dû plonger de nuit sous son bateau pour dégager un casier pris dans sa quille ; il finit à la 14ème place à 2h24 de Pierre Quiroga. Si le talent, le courage (et pour cette étape le mot est faible) et l'inspiration sont des conditions indispensables pour gagner, il faut aussi ne pas avoir de malchance.

Pour les virtuels, victoire d'étape de Armand1616 / INC-BUREAU VALLEE un peu moins de 6h plus tard.

Je finis 1er Pouliguennais et 1919ème au classement général talonné par Digadao qui termine à 8 minutes et 40 secondes. Dans un grand bord de près commencé au large de la pointe du Cotentin, Digadao était légèrement dernière moi, mais décalé un peu plus au nord. Il pouvait viser Fécamp en route directe en serrant le vent avec 1 ou 2 degrés de moins que moi et bénéficiait d'un vent légèrement plus fort.


Tout au long de la matinée, il grapillait inexorablement la faible distance qui nous séparait. Et oui, à 3 heures du matin, j'avais confié le virement pour engager ce bord ultime au pilote automatique à l'heure idéale pour la route optimale. Peut-être trop gourmand et avec un vent qui a refusé petit à petit, j'étais un peu trop au sud ; j'ai dû virer à moins d'un mille de l'arrivée pour couper la ligne.

Evidement, tout cela n'a rien à voir avec le plaisir et les efforts d'une vrai régate dans le monde réel. Mais toucher du doigt une part des stratégies de routage, les doutes sur le choix d'une route qui s'avère moins brillante qu'on l'imaginait, l'inquiétude de voir un concurrent se rapprocher de son tableau arrière et le soulagement de franchir la ligne,... c'est quand même du plaisir de marin.

Rendez-vous pour la prochaine étape au départ de Fécamp dimanche.

Mardi 31 aout

Comme prévu hier, toute la flotte réelle et virtuelle a passée la journée au près ; les virtuels callés à 45° du vent, ce qui semble l'optimum en fonction des polaires attribuées à nos bateaux "pour de faux". Par contre, des routes différentes, avec des bateaux éparpillés sur les cartes. En gros, une route sud consistant à passer sous Guernesey avant de mettre le clignotant à gauche pour remonter vers la pointe du Cotentin et une route nord. C'est la première qui s'est avérée la meilleure. En 3 images, le film de la journée :
 
Ce matin à 8h07 :
... à 13h09 :

... à 20h59 :


Arrivée à Fécamp prévue demain en fin de matinée pour les premiers dans le monde réel, un peu plus tard pour les virtuels. Mon arrivée est prévue à 16h06.

Lundi 30 août

Un peu plus d'une journée de course dans la 2ème étape.

La flotte des réels et des virtuels est arrivée dans la manche. Et comme dirait FJ, ça va être une autre paire de manches. Après une descente au portant sous spi depuis Lorient jusqu'au plateau de Rochebonne suivie d'une remontée jusqu'au Raz de Sein au reaching, la suite de l'étape jusqu'à Fécamp mercredi se fera au près. Relire la chronique du 27 août de FJ pour avoir en tête ce qui attend navigateurs et bateaux pour les deux jours à venir ! 

Virtual Regatta ne modélise pas les courants ; alors que la flotte réelle (toujours en orange dans la carte ci-dessous) a obliqué immédiatement à droite le long de la côte de la Bretagne nord et fait du rase cailloux pour moins subir les courants, les virtuels, eux, n'ont pas cette contrainte. Avec ces conditions différentes, pas évident que suivre la même route soit la meilleure solution... Pourquoi ne pas monter vers l'Angleterre tribord amure jusqu'à 1h du matin puis tirer 4 ou 6 bords pour passer dans 24h entre Jersey et Guernesey ?


Jeudi 26 août

Arrivée à Lorient en fin d'après midi.

3 036 ème au classement général, en 3j 23h 29m, soit 5h09 après le premier virtuel et 9h après Xavier Macaire (Groupe SNEF) dans la course réelle.

Bon choix de route pour cette nuit et aujourd'hui avec les virements au bon moment pour 2 bords de près qui m'ont permis de remonter presque 500 places et... de finir premier des 9 pouliguennais. Final serré entre virtuels du Pouliguen  puisque "port jaune" et "bogota" finissent à moins d'une heure de moi, "yanbap" et "Fatboy" à moins de 2 heures.

Evidement, rien de comparable avec le plaisir et les sensations d'une vraie navigation, ni avec les efforts héroïques des marins réellement sur une mer liquide, salée et agitée sur de vrais bateaux qui gitent et qui cognent. Mais plaisir quand même de jouer, de faire le mieux possible avec ses moyens, de trouver la bonne route (le classique compromis cap/vitesse) pour se projeter dans les 24h ou plus, là où il faudra être pour avoir la meilleure force du vent sous le meilleur angle.

Intéressant aussi de "naviguer" avec la flotte réelle, ça permet de mieux comprendre ce qui se passe dans la course et les stratégies qui peuvent se dessiner. Ca peut aussi être de l'émotion ; par exemple en 2016, j'étais virtuellement "à côté" de Kito de Pavant dans l'océan Indien quand il été contraint d'abandonner son bateau après avoir heurté un cachalot et avait été secouru par le Marion Dufresne, navire ravitailleur des terres australes.

Bon, on se retrouve pour la 2ème étape, départ dimanche de Lorient, direction Fécamp.

PS : Si vous souhaitez me rejoindre dans Virtual Regatta, on pourra créer une "Team" A bord d'Angelina. 

Mercredi 25 août


A moins de 24h de l'arrivée de la première étape, la flotte réelle (en orange) devance le peloton des virtuels (en jaune) d'une trentaine de miles. Tout le monde fait route est-nord-est. Les réels sont par contre mieux placés au vent mais, pour tous, il faudra sans doute tirer au moins 2 bords pour arriver à Lorient.

J'ai prévu de virer de bord vers 1h du matin pour tirer un bord tribord amure jusqu'à la côte bretonne puis de redescendre bâbord demain matin le long de la côte jusqu'à Lorient (@FJ : si tu veux affiner mon routage, je suis preneur ;x)). 

Objectif : rester dans les 4 000 premiers au classement général (sur 37 200 participants) et dans les 5 premiers pouliguennais (nous nous tenons en 5 miles, "port jaune", "Fatboy", "yanbap", "bogota" et moi). Pour cela, il faudra éviter les cailloux, car si on ne risque, en virtuel, aucune collision avec les autres concurrents ou bateaux de pêche, OFNI,... etc, on peut s'échouer. C'est ce que j'ai fait, d'ailleurs au départ, où j'ai été trop gourmand et ai rasé d'un peu trop près les cailloux de l'Ile d'Yeu. J'étais calé par rapport au vent... qui a un peu tourné. Un moment d'inattention,... et boum ! J'ai dû rester échoué une demie heure, puis le temps de faire demi tour - vu le nombre de participants ça se paye tout de suite en centaines de places perdues. Donc prudence pour l'arrivée, prendre de la marge et se caler sur un cap et non par rapport au vent...

Rendez-vous demain, pour l'arrivée !

Mardi 24 août


Avec un vent qui reste orienté nord est, près la descente jusqu'à la Corogne au portant, la remontée vers Lorient se fera à près. Si la flotte réelle et virtuelle reste groupée, peut-être des options à jouer dans les dernières 24h ?
Dans le classement virtuel des Pouliguennais, "Port Jaune" a pris la tête, "yanbap" 2ème. Les 5 premiers se tiennent en 11 miles.

Lundi 23 août.

En parallèle de la course réelle, des nouvelles de la course virtuelle sur Virtual Regatta :
  • 35 212 participants (on avait dépassé le million pour le dernier Vendée Globe)
  • Départ à la même heure que la course réelle et parcours identique
  • Des bateaux qui ont des polaires proches des vrais bateaux et des conditions météo également alignées sur le réel.

  • En orange, la position des vrais bateaux en course.
  • En jaune, les "pros" de Virtual Regatta généralement sponsorisés qui courent avec toutes toutes les options payantes et des outils de routage.
  • Les autres bateaux jouent sans options payantes (jeux de voiles, foils,...)

A noter, 9 concurrents du Pouliguen, le premier au classement actuel "yanbap" est 3 845ème.

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Les Chroniques Libres de FJ

Chronique n°4 du 2 septembre : Abolissons l'esclavagisme !

Aux dernières nouvelles la Terre serait ronde! C'est en tout cas ce que pensent 91% des Français... (seulement!?). Et la mer aussi, par la même occasion.., comme l'a d'ailleurs si bien décrit Jean-François Deniau, ancien ministre et navigateur émérite, "immortel", disparu début 2007. Et à vrai dire cela nous arrange bien, cette sphéricité.
Même s'il "n'y a plus de saisons", celles-ci survivront à je ne sais quel réchauffement, sous nos latitudes, tant que notre bonne planète continuera de tourner sur un axe légèrement fluctuant d'environ 23° par rapport à son écliptique. Car oui en plus de pirouetter sur elle-même elle tourne bel et bien autour du soleil, et pas l'inverse! Or, par bonheur, cet axe frôle la "star" de nos étoiles boréales, l'étoile Polaire qui, ainsi, nous indique le Nord à une queue de vache ou plutôt de petite ourse près..  (2/3 de degré environ). Grâce à elle, sur la moitié de la sphère terrestre et maritime qui nous intéresse, tant que l'on a ce repère en point de mire on n'est jamais vraiment perdu, au moins la nuit par ciel dégagé, même si tous les instruments tombent en panne en même temps.
En revanche, si "Stella Maris", comme la nommèrent si justement les navigateurs assyriens, surplombe aussi parfaitement notre hémisphère, les marins austraux sont un peu moins bien guidés. Polaris Australis, de la constellation de l'Octant, est elle 3 fois plus éloignée de son pôle respectif et à peine visible à l'œil nu, en tout cas pas identifiable au premier coup d'œil, fût-il vêtu d'une optique adaptée. Et pas grand chose à l'entour. C'est nettement moins pratique... mais peu importe, la Solitaire du Figaro se court  en plein hémisphère Nord, pile poil à mi-chemin entre le pôle et l'Equateur! Et de toute façon, si on sait où est le Nord, on sait où est le Sud.
Toutes ces notions, en forme de rappel pour certains, pour introduire le fait que nous disposons en mer, pour peu que nous prenions la peine de les observer, de tous les moyens naturels pour nous repérer, nous diriger, éviter les dangers, prévoir la météo, déjouer ses pièges, performer, et arriver si possible à bon port...
La technologie nous procure une assistance considérable. L'électronique permet un gain de temps très précieux, essentiellement lors de courses à flux tendu comme c'est le cas de la Solitaire. Autant de temps gagné, ou plutôt économisé, pour dormir ou effectuer toute autre tâche à bord, qui par sa nature sollicite nécessairement l'humain, sa force, son savoir, son pouvoir de réflexion et de décision. Apprécions à sa juste valeur le service que nous rendent les GPS, traceurs, et autres logiciels de routage, et la précision et la rapidité avec lesquelles ils le font.
La petite flèche qui se déplace sur l'écran, la ligne rouge qui nous indique la direction suivie à l'instant, c'est du confort, de la réassurance, de la sécurité instantanée. Le piège à éviter c'est de leur accorder un rôle trop exclusif et d'en perdre du même coup une certaine perception de la réalité du terrain. Or sur le terrain il n'y a ni flèche ni ligne rouge, mais un bateau lancé pleine balle, susceptible de croiser un obstacle que la carte ne mentionne pas..., filet, casier, "OFNI", container..! Et il y en a des trucs sur l'eau, sans parler des concurrents et néanmoins amis. Parfois ces surprises surgissent absolument de nulle part, surtout quand on se croit, à juste raison, seul, et que la vigilance commence à s'étioler un peu. Par ailleurs, il faut surtout ne jamais perdre de vue la position réelle de notre bateau, en 3D. Bref, savoir où l'on est, tout simplement, et en permanence.
L'AIS est un système assez récent qui transmet, sous forme d'ondes radio numériques et par la voie de fréquences VHF dédiées, toutes sortes d'informations relatives au navire émetteur et accessibles aux autres navires eux-mêmes équipés d'un transpondeur adapté. On dispose ainsi d'une vision détaillée du trafic sur une zone de 10 à 20 milles autour de notre propre position. Outre le type et la longueur du bateau, sa position donc sa distance, son cap, sa vitesse, sa destination,.. on est informé en temps réel de l'éventualité d'une configuration de nos trajets respectifs dite "route collision". Ça a le mérite de nous mettre en alerte accrue par rapport à un obstacle déterminé. Mais là encore cela ne dispense en rien d'une observation visuelle et aussi constante que possible du plan d'eau. Tous les navires ne sont pas équipés de l'AIS. Ou ils omettent éventuellement de l'activer. Idem pour les feux de route la nuit...
J'ai du batailler un peu pour faire admettre cela à mes 2 équipiers, jeunes et novices, lors de notre dernière transat! Mais pas tant que ça, tellement cela va de soi si on y réfléchit.
Et les fichiers météo dans tout ça. Ah! Là encore les progrès sont absolument indéniables, et leur utilité incontestable. Toujours pour les mêmes raisons, de confort, de facilité, de rapidité, de fiabilité même si dans ce domaine plus que dans tout autre il faut savoir garder un certain recul. Mais surtout ne privons pas nos sens de ce qui fait leur raison d'être et qui en l'occurrence contribue à nous enseigner la lecture du milieu et à acquérir du même coup, petit à petit, le sens marin.
Tels cirrus précédant une perturbation, telle modification sensible de la température de l'air à l'approche de celle-ci, une variation progressive de la direction du vent, une chute brutale de la pression atmosphérique.., autant de signes qu'il faut savoir interpréter afin de se faire une idée aussi précise que possible de la situation générale et de son évolution probable. Faisons honneur à Evangelista Torricelli, sachons garder un oeil intéressé sur notre baromètre.
Les nuages et brouillards sont le résultat de conflits de masses d'air entraînant des gradients de température, de pression, d'hygrométrie. Ils ont tous une forme, une couleur, une altitude, une taille et une signification qui leur est propre.
Vous aurez remarqué, l'été, sur la côte, par temps calme et chaud, ces petits moutons qui bourgeonnent dans la matinée, très précisément sur les terres, îles comprises. Nul doute qu'ils annoncent une bascule du vent, qui passera d'une brise de terre matinale à un "thermique" de mer plus ou moins soutenu l'après-midi. Dans un autre registre, si vous décidez de partir à la conquête des îles Féroé, dont on dit que vues d'avion elles semblent faire route tant les courants qui les frappent et les traversent sont violents, sachez que la nappe blanche que vous apercevrez 50 milles avant de les atteindre et même les distinguer à l'horizon vous indique avec une bonne certitude qu'elles se situent juste en dessous. Compas et GPS peuvent bien vous lâcher simultanément!
Et si c'est en pleine traversée de l'Atlantique que tout votre système tombe en carafe?.. Pas de panique! Notre bonne vieille Polaire arrive à point à la rescousse. Vous visiez la Martinique? Vous avez donc pris soin de noter que sa pointe Nord se trouve en gros par 15° Nord, et celle de Sainte Lucie, juste en-dessous, par environ 14. Nuit après nuit efforcez-vous de garder une latitude telle que Stella Maris apparaisse à un bon 14° au-dessus de l'horizon soit 1/6è de quart de cercle. Le jour filez plein Ouest... Le dernier matin, la masse grise que vous apercevrez plutôt sur votre droite (pardon, sur tribord!), je vous assure que ce ne sera pas la côte vénézuélienne!
Tout ce que vous venez de lire ne constitue en rien un discours d'arrière-garde ni un quelconque plaidoyer anti-progrès technologique. Bien au contraire! Vive le carbone, les satellites, l'électronique, l'informatique, les foils, la vitesse, les records! Il s'agissait simplement de rappeler ici qu'avant de s'aventurer en mer il faut apprendre à lever les yeux au ciel tout en gardant les pieds sur terre. Faire bon usage des instruments, mais sans en devenir l'esclave, rendre à l'observation du milieu marin la place qu'elle mérite. Sans prétendre devenir des Tupai'a, mais en essayant de nous inspirer de ce génial navigateur, exemple d'une époque révolue.


Chronique n°3 du 28 août : Pain complet et sauce vinaigrette

Allez, le Farallonexit est signé! A une prochaine fois petite bouée jaune-noire-jaune bases opposées, qui balises les 2 caillasses galiciennes dont tu partages le nom... et cap au Nordet! Tiens d'ailleurs, petite parenthèse... c'est étonnant comme les "cailloux" sont souvent appariés: ici los Farallones, idem pour les Skellig au large du comté irlandais de Kerry, São Pedro e São Paulo, récifs au grand large de Recife, qui annoncent très à l'avance le Brésil, et même les Selvagens et leurs 2 blocs rocheux distincts, sur la route de Madère aux Canaries. Et tant d'autres, un peu partout,.. et pas mal nulle part!
Mais revenons à notre épingle à cheveux à 340°. C'est pas tout ça, mais il s'agit maintenant de remonter vers Lorient la jolie. Le pain blanc aura été vite avalé. Reste le noir à ingurgiter.
Courage à l'ouvrage. Adieu confort, désormais tout va se passer sur un plan incliné. Cette semaine du lundi au mercredi tout est permis! La gite, comme on la nomme, procure un véritable inconfort. Elle va tout contrarier.
Ce sera la gite sans le couvert, car il n'est plus question de dresser la table (de toute façon y'en a pas!), tout va devenir subitement compliqué, scabreux, périlleux, brutal, scandé, violent... Si le simple fait de s'alimenter exige désormais une gestuelle un peu plus chorégraphiée que la veille, l'inverse (car la course n'exclut pas les commissions..!) relève assez vite de l'acrobatie, prières à l'appui. "Noooon le seau,.. tu ne tombes paaaas le seauuuu!!". Un séisme permanent, un tremblement de mer de magnitude 3,.. 5,... 7! Obligé de s'appuyer, s'asseoir, s'agenouiller, pour avoir le droit de changer le moindre vêtement. Et tout est comme ça. Qu'est-ce que j'aime naviguer,.. mais qu'est-ce que j'ai hâte d'arriver, histoire d'être pressé de repartir! Et nul doute que Poséïdon s'amusera à lâcher quelques lions.
Courir à la voile en solitaire n'est pas 2 fois plus difficile qu'en double ou 5 fois moins facile qu'à 5. Ca ne se calcule pas comme ça. En solo, c'est une évidence, mais qui reste assez abstraite pour le commun des mortels tout comme pour les académiciens, il faut être partout à la fois, à l'avant, à l'arrière, en tête de mât, à fond de cale, et à fond les ballons! Oubliés les "passe-moi ceci-cela s'il te plaît" ou les " tiens, peux-tu me tenir ça 30 secondes?" On est son propre interlocuteur du début à la fin, son propre assistant du départ à l'arrivée, son confident aussi.., souvent, son adversaire psychologique, son propre boulet parfois.
Il va désormais falloir trouver un compromis, un de plus, avec l'espace, et avec le temps. On aimerait pouvoir réduire l'espace, rapetisser le bateau, pour mieux tout maîtriser en même temps. Mais comme on n'a pas le choix, il va souvent falloir faire preuve de ruse, d'organisation, d'ingéniosité, d'anticipation, inventer parfois des systèmes tordus, tel que, par exemple, celui qui avait permis à Mich' Déj' de relancer son générateur en utilisant son palan de grand'voile, lors d'un de ses Vendée Globe... Un exemple parmi une foultitude.
On aimerait de même pouvoir allonger un peu le temps pour pouvoir grapiller ne seraient-ce que quelques minutes de sommeil en plus, par-ci par-là. Car une autre lutte va commencer. En effet, si manque de confort et manque de sommeil ne sont pas 2 cailloux appariés au large de l'Espagne ou de l'Amérique du Sud, ils n'en forment pas moins un couple remarquablement uni. L'inconfort fatigue, et la fatigue handicape.
Il faut savoir que sur une étape de 3 jours en solitaire, les heures de sommeil effectif se comptent sur les doigts d'une main, si ce n'est même sur ceux d'une palme de goéland. Le jour et la nuit demeurent, mais adieu rythme nycthéméral si cher à notre système endocrinien. La Solitaire n'a pas été conçue pour les gallinacées, visiblement. Pauvre hypophyse, qui se trouve tout-à-coup à la tête d'un orchestre qui joue sans partition et dans une belle anarchie. En effet la plupart des hormones, sous le contrôle de celle-ci, obéissent à des rythmes ou des cycles. En la matière, l'adrénaline a bon dos. Elle est bien sûr nécessaire, mais on lui accorde un peu facilement une toute-puissance excessive. On est bien content de la trouver dans l'urgence, mais si on devait en user 23 heures sur 24 les malheureuses surrénales ne tiendraient pas le choc. Quant 'au cortisol, sécrété essentiellement en fin de nuit, c'est en partie grâce à lui, ainsi qu'à la mélatonine, que l'on trouve un certain équilibre entre les phases de veille et de sommeil, et sans lui nos facultés intellectuelles, notamment d'analyse et de réflexion se trouvent amoindries. Autant dire que dans notre situation tout est copieusement chamboulé.
Il va falloir biaiser, car l'organisme est doublement exposé: il est sursollicité, et toute sa belle organisation part à vau-l'eau. Puisque l'idée de cycles de sommeil bien ficelés n'est plus d'actualité, il va s'agir de parer au plus pressé. Dormir un minimum, le plus vite possible, pour récupérer un maximum, physiquement et mentalement. Pour cela les coureurs effectuent notamment des micro-siestes, d'une dizaine de minutes. A cette fin ils recourent de plus en plus à des techniques de type sophrologie, qui leur permettent d'accéder à la demande à ces états de sommeil en quelque sorte concentré. Périodes brèves mais néanmoins suffisantes pour recouvrer un dynamisme correct pour 1 ou 2 heures. Et ainsi de suite.
Plus impressionnant, le sommeil "flash" semble se déclencher spontanément, lorsque l'envie de somnoler devient irrésistible mais que le contexte interdit l'endormissement prolongé. C'est ainsi que l'on peut se surprendre à dormir à la barre, profondément mais très brièvement, et s'étonner au réveil d'avoir rêvé plusieurs histoires rocambolesques alors même que la trotteuse de notre montre, pour ceux qui en ont encore! (rires..!) n'a même pas eu le temps de faire un tour de cadran, et de s'en trouver "rafraîchi" pour un temps... certain. Et alors même que les rêves ne surviennent en théorie qu'après environ 1 heure de sommeil. C'est un peu troublant.., mais en tout cas ça fonctionne bigrement bien.
Malgré tout il arrive fréquemment qu'après plusieurs jours en solitaire à lutter de la sorte on finisse par se retrouver plusieurs à bord..! C'est alors plutôt mauvais signe, les hallucinations sont là, signe incontestable d'une dette excessive de sommeil. Mais, que l'on se rassure, l'esprit n'en reste pas moins vigilant pour assurer le minimum, coûte que coûte, comme s'il connaissait l'enjeu. En permanence il veille au grain, au propre comme au figuré. Il ne laisse pas un danger imminent vous gagner, mais il sait donner à votre organisme fourbu la force nécessaire et lui dicter le processus suffisant pour réaliser telle manœuvre que vous n'êtes en théorie plus capable d'assumer ou choisir telle option qui demanderait normalement plus de réflexion. Cela dit, quand on en est là.. il est quand-même grand temps d'arriver! C'est la course en solitaire. C'est relativement difficile.
Et au bout du compte l'horizon tant convoité mais jamais atteint cèdera la place à une ligne d'arrivée bien palpable. Et nos concurrents vont réaliser qu'ils n'ont pas tout-à-fait atteint leurs limites,.. pas plus que l'horizon.
Il y avait pas mal de pain sur la planche. Il y aura eu du pain noir, du pain blanc, les antagonismes de la course auront trouvé un terrain d'entente, le fond et le sprint se seront disputé le bout de gras et tout le monde aura gagné. Ainsi s'achèvera une belle étape au goût de pain complet, sauce vinaigrette!

Chronique n°2 du 27 août : Monter en bas et descendre en haut

Quoi de plus plat qu'un plan d'eau, n'est-ce pas ? Ce n'est pas un hasard si la surface d'un liquide sert de référence pour déterminer l'horizontale. Et pourtant on peut relever une certaine tromperie sur la marchandise... En effet l'inconscient ne peut s'empêcher d'assimiler telle ou telle phase de navigation à une descente ou à une (re)montée. C'est normal. Lors d'une "descente" sous spi le cerveau retient en priorité la griserie de la glissade effrénée dans la pente de la vague, avant que, rattrapé par la crête de celle-ci et soumis à la redescente (là oui!) insipide de son dos, il réserve ses stimuli à apprécier ce moment sublime et fugitif qu'il vient de vivre, et à anticiper le prochain sur la lame suivante qui, sans délai, se glisse sous votre tableau arrière.
Et au bout du compte, je vous jure, il parviendra à vous convaincre que vous venez d'effectuer une descente mémorable!

Alors, bien sûr, les bords de près procurent les mêmes sensations, à ceci... près qu'elles s'inversent.
Chaque vague représente un obstacle à franchir, et même plus ! ...à négocier. Chacune vous délivre l'air de rien sa petite part de stress et de fatigue psychologique. Hé oui, certaines d'entre elles ne vous laisseront passer proprement qu'à l'issue d'une empoignade âpre et sans concession, le temps de l'instant nécessaire à atteindre leur crête. Par gros temps ou mer hachée il faudra faire en sorte d'éviter au mieux l'endroit où celle-ci décide de déferler, ce qui demande une certaine anticipation, rendue elle-même possible par une observation attentive du relief, et donc pas mal de concentration. Et ce afin d'éviter le coup de bélier qui ébranle le matériel, ralentit la course, micro-traumatise la structure, et votre moral par la même occasion.
Lorsque la mer est celle dite "du vent", c'est-à-dire créée par celui-ci, la vague lui est en gros perpendiculaire, et l'angle optimal s'imposera de lui-même à la faveur de celui qu'il est nécessaire d'adopter par rapport au vent, pour une action adéquate sur les voiles et de fait une propulsion efficace. Le sommet se gèrera la plupart du temps au prix d'un petit coup de barre qui corrigera en souplesse la trajectoire au moment opportun.
Pour peu que le vent tourne brutalement toute cette belle théorie se trouve mise à mal, notamment si la "bascule" aboutit au décours d'une "adonnante" cruelle de quelque dizaine de degrés à vous placer de sorte que vous ayez la vague en plein face. Et là, c'est une autre paire de manches... y compris en Atlantique. Ne parlons pas de la Méditerranée.., où là ça se corse!
Il faut d'ailleurs savoir, à ce propos, que le Golfe de Gascogne et la Manche ne sont pas avares de systèmes alambiqués. Ils ont tous deux leur façon personnelle de vous accueillir, ou de vous cueillir tout court! Le premier saura vous proposer des mers pyramidales, chaotiques, à la faveur de la remontée brutale du plateau continental, couplé à la "mer du vent" assortie d'un éventuel système résiduel qui croise, le tout agrémenté d'un certain ressac renvoyé tel une baffe par nos amis aquitains. La seconde excelle dans ses propres excès. Forte de ses courants, et selon la concordance des vents avec ceux-ci, elle est capable de vous concocter en quelques heures une vilaine tôle ondulée que vous aurez plaisir à affronter à vent contre courant. Si on devait qualifier l'Atlantique de caractériel, on affublerait la Manche de bipolarité...

En tout état de cause, par mer de face le cerveau retiendra préférentiellement l'ascension plutôt que la redescente (là oui!) dans le creux. Et soyez en sûrs, avec l'effet cumulatif, à la fin d'un long trajet au près, votre inconscient saura vous persuader que vous venez de vous farcir une sacrée montée contre la mer et le vent!

Les pilotes automatiques savent faire la travail, et heureusement. On les paie pour ça! Ils se sont perfectionnés, ils sont précis, réactifs, ils ont appris avec les années à compenser les mouvements du bateau dans les 3 dimensions, et même les 4, car on peut en régler le gain, c'est à dire en gros la vitesse de réaction, la sensibilité. On peut les coupler à d'autres paramètres que le seul cap, notamment les variations de direction du vent. Leur endurance n'a pas d'équivalent chez l'humain. Ils sont à ce titre d'une aide aussi précieuse qu'incontournable. Il leur manque juste la finesse ultime, celle qui précisément permet d'atténuer au mieux la rugosité de la mer.
Mais, sauf leur respect, nous aurons l'occasion de reparler de l'intelligence artificielle qui imite parfois la bêtise humaine... Et de la nécessité absolue de garder le sens marin.

Quoi qu'il en soit, pour en revenir à cette Solitaire qui nous intéresse, la remontée ibéro-morbihannaise aura plongé les concurrents dans le vif du sujet. Non seulement ils vont redécouvrir combien le zig-zag peut être le plus court chemin d'un point à un autre... (c'est d'ailleurs amusant comme cette notion surprend toujours quand on découvre notre noble sport!), mais l'océan saura aussi leur rappeler à quel point il peut solliciter leur organisme et leur mental.
C'est au prochain épisode que nous essaierons de voir comment on peut se tirer au mieux de ce guêpier.

(... demain, la fin)


Chronique n°1 du 26 août :  Sprinters de fond

Quel spectacle haut en couleurs que celui d'une flotte de voiliers de course larguant les amarres, passant l'écluse en saluant une foule qui lui rend allègrement la pareille, pour gagner sa zone de départ. C'est magnifique, ça fait rêver. Et quelle excitation pour les coureurs lorsque la VHF annonce: "... trois, deux, un,.. Top!! ....  Booon départ, bon départ!"

Bon départ, certes. Et encore heureux..! Car sinon il faut soit réparer une faute individuelle en repassant le cas échéant la ligne, soit relancer toute une procédure, recomprimer le ressort... Et puis à un moment ça-y-est, c'est parti!

Mais là s'arrête la poésie, fin de la mise en bouche, ici commencent les choses sérieuses. Sois le bienvenu chez Poséidon ! Avec son compère Eole il se fait un plaisir de t'accueillir dans ses arènes, un sourire quelque peu narquois au coin des lèvres... "Ah tu veux en découdre, petit(e)?.. ok!!". Les lions aussi sont affamés. Ils n'attendent que toi!

Alors parfois, c'est vrai, les lions sont lâchés un peu tardivement dans la fosse. Ce fut le cas lors de la descente ligério-ibérique sous spi qui inaugura cette première étape de la Solitaire. Un peu de répit avant l'heure, en somme (sans jeu de mot!).
Car finalement tout le monde sait que la course en solitaire est une matière ardue. Mais combien réalisent vraiment à quel point l'épreuve peut être difficile pour l'humain, et ce pour toutes les composantes de son être?

La Solitaire du Figaro n'est pas une course transocéanique, comme le sont la Route du Rhum, la Mini Transat, ou autre Jacques-Vabre qui, elle, se court du reste en double, sans oublier évidemment le "Patron"... le Vendée-Globe. Bien que le rythme de ces courses soit en perpétuelle accélération depuis des décennies, elles restent avant tout des courses de fond. En s'organisant bien on peut réussir à s'accorder un semblant de rythme veille-sommeil, notamment dans les phases de traversées proprement dites. Si la Solitaire n'est pas non plus à priori un parcours côtier mais bien une course hauturière, tout ou presque contribue à ce qu'on la considère cependant comme telle: la longueur relativement courte des étapes, notamment au regard du potentiel de vitesse des bateaux, la proximité récurrente des côtes, et le trafic qui va avec, les marques de parcours, les obstacles plus virtuels tels que les zones d'exclusion qui contraignent la flotte à se resserrer là-même où elle pourrait éventuellement s'éclater.
 
Si on ajoute à cela la durée moyenne d'une étape, disons grosso modo 3 jours, le fait qu'elles s'enchaînent sur environ un mois, et le facteur "solo" par surcroît, on comprendra que cette épreuve, rien que dans sa structure, soit considérée comme l'une des courses océaniques les plus exigeantes qui soient. Pour peu que la météo s'en mêle, on est là face à un monument du sport en général.

Qui a un tant soit peu navigué à la voile sait combien cette discipline est affaire de compromis permanent : privilégier le cap ou la vitesse, le confort ou la performance, puis en compétition la sécurité ou la gagne à tout prix, envoyer telle voile un peu (ou beaucoup) plus puissante, au risque de flirter un peu trop avec les limites du matériel, en sachant que les copains "d'en face" auront peut-être le culot de le faire, ou l'inconscience, allez savoir.. ? S'économiser tout en se faisant violence.. voyons voir..? Que de paradoxes livrés en pâture à notre esprit de décision.
C'est là que le "figariste" se fait alchimiste. On lui inflige un semi-marathon sur un rythme de 100 mètres haies! Or on sait bien que ces 2 disciplines ne sont guère plus compatibles que ne le sont l'huile et le vinaigre. Et pourtant ça fonctionne. L'émulsion a bon goût. Elle relève efficacement la salade, et encore plus si on y ajoute de la moutarde.

Durant toute son épreuve le navigateur n'aura de cesse de composer avec ces 2 éléments quelque peu contradictoires que sont le sprint et la course de fond, pour trouver la recette susceptible de gérer au plus efficace la vigilance et la performance permanentes que requiert la course. Nous tenterons de voir de quelles armes il dispose pour se prévaloir de ce statut insolite de sprinter de fond!

(... la suite demain.)







Commentaires

  1. Bravo FJ!
    Talent sur mer.
    Talent à terre.
    C'est une chance pour le groupe Angelina de profiter de ton expérience et de ton expertise ppur suivre cette course mythique.
    A demain.
    Jean

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  2. Très beaux articles FJ, c'est toujours un plaisir d'écouter les récits de tes traversées, de profiter de ton expérience. J'attends la suite avec impatience.
    JFM

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  3. Merci, FJ. Quand l'océan de l'expérience et de l'expertise rencontre le vent du talent de l'écriture, ça donne de belles vagues sur lesquelles tu nous offres de surfer. Merci !

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  4. Merci pour ces récits :) Le parallèle entre la course virtuelle et "in real life" est très intéressant !

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  5. Bonsoir,
    Pouvez vous m'indiquer où je pourrais retrouver les autres publications de votre chroniqueur FJ ?
    Merci.

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